Le paysage mystique
Ils étaient presque tous des graphistes — à la Grip Ltd. de Toronto — et ils avaient une conception de la couleur héritière de l’affiche, avec des étendues à plat et de forts contrastes qui interpellent le spectateur.
C’était à l’après-guerre des années 1920, quand deux d’entre eux retournèrent d’Europe, avec les derniers élans de l’impressionnisme dans les yeux, pour dynamiter le paysage classiciste et léché qui trônait à l’époque au Canada.
Ils étaient Franklin Carmichael, Lawren Harris, A. Y. Jackson, Frank Johnston, Arthur Lismer, J. E. H. MacDonald et Frederick Varley. Les sept formaient une bande joyeuse et iconoclaste dans leur wagon de train stationné sur une voie morte, entre lacs et forêts, à Algoma, à Michipicoten, sur la côte est du lac Supérieur : ils vivaient la liberté, la lumière, le silence… Et des rares rencontres avec les Ojibwés/Sauteux — qui habitaient les alentours du saut entre les grands vases communicants des lacs Supérieur et Huron — , de qui ils avaient appris que la nature est un arcane, un long chemin à parcourir dans un langage de dépouillement : seules l’eau, les forêts et les montagnes ; seuls le sentiment de solitude et, en même temps, la conscience d’un absolu là, présent.
Au-delà des recherches techniques, ceci est le vrai message du ‘Groupe des sept’ : la vision mystique du paysage, qui leur a permis de se tailler une place de choix dans les musées de Toronto, Ottawa et Montréal… et dans l’histoire de la peinture canadienne. Un paysage animé, animiste peut-être, habité dans sa solitude.
Et nous empruntons encore aujourd’hui cette vision pour pénétrer le monde secret des Grands Lacs… à la condition de le faire sur la pointe des pieds, juste en écoutant, juste en sentant la Terre.