Début juin 1731 au canal de Lachine, Montréal
En ce vendredi 8 juin 1731, tous s’affairent depuis le soleil levant aux abords de l’embouchure ouest du canal de Lachine, ce grand projet des sulpiciens qui vise à éviter les rapides du Saint-Laurent au sud de l’île de Montréal : des bourgeois associés à l’expédition, des marchands-voyageurs, des commis, quelques soldats…
La Jemmeraye, neveu de La Vérendrye, active ses engagés pendant qu’il échange quelques mots avec l’un de ses associés. Les fils de La Vérendrye – Jean-Baptiste, Pierre et François – s’apprêtent déjà à prendre position dans l’un ou l’autre des sept canots bien chargés.
Le commandant a fait ses adieux à sa femme, Marie-Anne Dandonneau, qui doit garder les arrières de l’entreprise et faire face aux créanciers.
Il donne l’ordre de départ et la cinquantaine d’hommes rentre rapidement dans une cadence de pagaies qui descendent au même rythme, des canots qui sautent. Et ils deviennent tous Les trois capitaines de la chanson, qui résonne au loin. Et puis, La belle Françoise. El le vent emporte encore des brins d’En roulant ma boule, quand on les perd de vue à l’ouest, vers la pointe de Sainte-Anne.
C’est le grand départ de Pierre de La Vérendrye pour établir les premiers forts au-delà de Kaministiquia (Kamanestigouia, Fort William) et tenter de découvrir la mythique mer de l’Ouest.
Première vraie destination : Michilimakinac (aujourd’hui Makinac), entre les lacs Huron et Michigan, à 26 jours de Montréal. Voici les grandes lignes du parcours :
En passant par l’île Perrot et le lac des Deux-Montagnes, ils accèdent à la rivière Outaouais. Ils suivent cette rivière jusqu’à la décharge de la rivière Mattawa, puis ils remontent cette dernière, en portageant jusqu’à une petite rivière qui se jette vers l’ouest, dans le lac Nipissing. Ils s’engagent par la suite dans la rivière aux Français, qui se déverse dans la baie Géorgienne. La côte nord du lac Huron leur permet ensuite de se rendre à Michilimakinac, un vieux poste fondé en 1668 qui réunit des entrepôts, quelques soldats, un commandant et un missionnaire, l’un ou l’autre remplissant les fonctions de notaire, car il faut bien prendre acte des contrats, des mariages, de la mort…
Parlant avec les uns et les autres dans ce dernier retranchement avant la terra incognita, La Vérendrye commence à comprendre le gouffre financier de son entreprise et il écrit au ministre de la Marine en lui demandant la libération pour cinq ans des redevances liées à l’exploitation du poste du Nord (Kaministiquia et Nipigon).